Les individus pauvres font confiance au marché. C’est la principale conclusion qui ressort d’une récente étude de la Banque mondiale bizarrement passée sous silence par les médias français. Analyse de Nicolas Lecaussin
Plus de 60 000 personnes interrogées dans 15 pays d’Afrique, d’Asie de l’Est, d’Asie du Sud et d’Amérique latine pour l’étude Moving out of Poverty : Success from the Bottom Up réalisée par la Banque mondiale et dont les conclusions choqueraient plus qu’un bien pensant. Les pauvres ne veulent pas des aides de l’Etat et des administrations mais des possibilités de créer leur propre commerce ou entreprise. Toute aide directe est éphémère tandis que les créations d’entreprises sont des investissements à long terme. Pour sortir de la pauvreté, les individus souhaitent plus de marché et de débouchés économiques. Ils font confiance à leur effort individuel, à l’esprit d’initiative et à l’autonomie. Les milliers d’entretiens de l’étude le montrent clairement : lorsqu’on donne la possibilité à un individu de s’épanouir, il a 100 fois plus de chances de sortir de la pauvreté que lorsque l’Etat le prend charge grâce à l’assistanat. L’étude montre aussi que les stratégies de lutte contre la pauvreté devraient se recentrer sur le développement des ressources économiques, sociales et politiques dans les communautés locales où les pauvres vivent.
Plus de marché et moins de bureaucratie, de réglementations et de corruption
De même, d’après cette étude, les mesures d’aide ponctuelles sont largement insuffisantes pour sortir les communautés de la pauvreté. Par contre, libéraliser les marchés, faciliter l’ouverture des boutiques ou des petites entreprises contribuent de manière déterminante à l’éradication de la misère. Pour cela, il faudrait moins d’interventionnisme et de bureaucratie et lutter efficacement contre la corruption. Au Cambodge par exemple, les pêcheurs privés sont soumis à toute une série d’interdictions de la part des organismes de pêche d’Etat, en Tanzanie, il est impossible de créer son entreprise dans le commerce du café car l’Etat détient le monopole et au Bangladesh, pour faire du commerce il faut avoir des relations politiques… Les recommandations de l’étude sont d’ailleurs très claires : – La plupart des pauvres interrogés pensent que les marchés fonctionnent et veulent commercer dans des conditions égales et équitables. – La plupart des pauvres sont attachés à la démocratie, qu’ils assimilent à la liberté de vote, de pensée, d’expression, de mouvement, de contestation et de travail. – Parmi les institutions permettant à l’individu d’accumuler des actifs, la famille est la plus souvent mentionnée. – Le microfinancement peut aider les pauvres à subsister au jour le jour mais, pour les sortir de la misère, des prêts plus importants sont nécessaires, qui leur permettront de développer leurs activités productives et, partant, d’accroître leurs actifs. – Les programmes de réduction de la pauvreté doivent s’appuyer sur une « libéralisation à partir de la base » comportant les éléments suivants : o suppression des règlementations restrictives ; o élargissement de l’accès au marché, notamment via le développement des communications au moyen de routes, de ponts et de téléphones ; et o intégration plus équitable des activités des pauvres aux nouveaux modèles économiques.